N’AUTISME
Pas trop habitués aux sponsors, nous avons fait un grand travail pour établir un parallèle entre la voile et l’Autisme, ma première réaction fût de dire qu’il manquait une lettre au T-shirt, le skipper m’a dit que c’était normal, en effet c’était pour l’Autisme et non pas le Nautisme…bref, ça c’est une lettre pas en commun…
Allez, on vous met dans l’ambiance : hors mis une préparation rigoureuse du bateau qui se résume à juste changer toutes les piles du bateau pour se préparer à passer la nuit dehors, (tout le reste étant déjà rodé), à 8h du matin , la joyeuse bande de marins se retrouvent sur le ponton, bises et tapes dans la main contents de passer un WE entre copains avant tout.
On équipe la bête avec les brins de spi et les écoutes, on branche le tack, on allume le Velocitek et la Nav, on branche les poulies de barber, on défait les poupées,on enlève les rabans de GV…OUPS pardon, aaahhh, on y est, je crois que l’on a un point commun avec l’Autisme, on a notre propre vocabulaire, rigoureux, mécanique et compréhensible que par une faible partie de la population initiée à notre bulle.
Après avoir soigneusement préparé son sac d’habits la veille, dans un état de préparation mentale sans failles, ayant anticipé chaque possibilités de changements météo, toutes les configurations minimalistes mais efficaces de tenues possibles, je pourrais faire le parallèle de l’enfant qui retourne son sac sans hésitations devant les yeux de la mère ayant tout préparé, mais là…nous sommes dans le cas du skipper Jean-Luc Lévêque qui arrive léger comme Bambi et qui « préconise » 1.5kg par personne! Bon on a tous compris…un petit « hop » et tout le monde retourne son sac et recommence avec objectif de garder un tiers seulement…
Une fois le jeu de la chasse au poids terminé, qui se résume à une polaire, un ciré haut et bas, un bonnet et un collant, on passe au jeu du « qu’est-ce qu’on mange » ?
A partir de là, les différences s’accentuent entre les concurrents. Nous on joue clairement l’opulence, la stratégie sera donc pastis à l’âpéroooooo, cuisses de poulet marinées gingembre ail et chili, saucisses moutarde, viande séchées, salade de pâtes, fromage et vin rouge, chocolat aux noisettes, on a proposé de venir en caleçon pour pouvoir prendre le digestif mais, cela nous est apparu comme moyennement raisonnable…
Bon, on est prêts, y a du monde pour sortir du port, on largue les amarres, la pression monte, les concurrents s’entassent sur la ligne, on prend chacun nos postes, on observe les zones de vent, on se concentre sur les croisements, on donne les infos au barreur, on salue les copains de loin, quelques boutades mais la régate a déjà commencée, même si le coup de canon n’a pas encore détonné, chacun se met dans sa bulle pour répéter ce qu’il a à faire, visualiser les manœuvres à venir pour être synchro et réactif à la moindre action possible.
Compliqué de faire son pipi nerveux par-dessus bord avec 538 bateaux concurrents X6 personnes, tant pis, ce sera au minimum dans 1 heure quand les positions seront établies, petit regards complices dans l’équipage, on se concentre, on joue des coudes, coup de canon, « bonne les régate à tous », on sait que ce sera long, on essaye de se détendre tout en essayant de se tendre, compliqués ces marins !
Voilà on est dedans, on vit les sensations à 100%, on annonce notre position par rapport aux autres, « Yasha, makhani meilleure vitesse , meilleur cap » ce qui veut dire qu’on est à l’instant à une meilleure vitesse et qu’on va au plus court, risée dans 2 longueurs (20 mètres), on se déplace sans arrêt sur le bateau pour avoir toujours la même assiette, « allez on quiche, pression ! » euuuuh …non il ne s’agit pas du menu du jour, la « pression » correspond au vent qui monte, « quicher » c’est la sensation de vomis lorsque l’on se tord le ventre sur les filière pour faire contrepoids, et « l’assiette » c’est l’inclinaison du bateau en latéral, bref…, bienvenue « chez Pierrette et Gaston »
Une heure après le départ, on est dans les bateaux de tête, et surtout devant les 5 autres Melges 32, nos ennemis directs. La régate est longue, on ne se formalise pas. Un peu d’action, la girouette qui indique le vent au sommet du mat est bloquée par une toile d’araignée, Jacques Lévêque monte en haut du mat, et par la même il pourra observer les risées sur la surface de l’eau pour que l’on se fraye un chemin dans ce désert de vent.
La lumière s’allume dans nos yeux, Marc Fredon aux jumelles, on approche la bouée au Bouveret après plus de 11h de course, on passe la bouée, cette odeur de saucisse chaude sur la barge nous allume les sens, allez « hop », 2ème service, Mathieu Chevassut au Piano envoie la toile, il faut tout reconstruire et placer l’objectif dans l’autre sens…parfois on se demande pour quel sens… m’enfin ?!
On se prépare aux lumières, les frontales, vêtements chauds, on check les téléphones portable pour le niveau de batterie et voir la position des concurrents la nuit, on est confiant grâce à notre électricien N°2 de bord Luc Guerinet qui assure dans toutes les conditions, on maintien propre en ordre en cas d’orage.
La nuit, il faut être discipliné, ne pas éblouir ses collègues avec sa frontale, ranger les cordages pour pas faire de nœuds dans les manœuvres, aller dormir quand on est fatigué, essayer de voir aux jumelles les risées difficile à discerner, scruter les lumières vertes et rouges des autres bateaux, écouter les bruits suspects pour anticiper les croisements furtifs, tenir la lampe de poche pour éclairer sur la voile d’avant les penons de réglage pour le barreur, veiller à ses amis qui font des micros sommeil pour qu’ils ne basculent pas en arrière dans le fond de la cabine….
Puis vient le petit matin, qui remonte la moiteur de la nuit, la crème solaire encore collée de la veille sur le collant, le soleil qui brûle encore la peau, les fesses tannées, l’odeur des mégots de cigarettes pour voir d’où vient le vent jetés au fond de la poubelle qui remonte, les ronflements, les mains de Cédric Galetto au réglage d’avant et celles de Benoît-Charles Soreau à la grand voile qui brûlent mais c’est le mental qui prends le dessus et on en oublie le corps, heureusement il reste du rouge pour se consoler !
5 heures du matin, les oiseaux chantent le long de la rive, les thermiques sont visibles…ou pas…, les concurrents réapparaissent, on fait le point, on compte les absents, y a plus de café, barreurs et régleurs sont en symbiose comme un vieux couple, on redoute le lever du soleil qui va faire remonter tous les souvenirs de la nuit, à commencer par nos sales mines !
Les bons régatiers savent que la régate se joue jusqu’aux derniers mètres, qu’il ne faut rien lâcher, l’équipe est à sa dernière attaque entre la bouée d’engagement et la ligne d’arrivée, exultants de voir le dernier adversaire à sa portée reculer sur la rive, ça passe et comme on dit « chez Pierrette et Gaston », un petit dernier pour la route ! Il s’agissait de « Sailing more » dont la moyenne d’âge est de 25 ans, bravo les jeunes, mais c’est more!
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Le Bol porte bien son nom, il y a une part de chance, mais tout de même une bonne part de talent, de ténacité, de savoir faire, le tout arrosé d’expériences qui nous on à tous forgé le caractère et donné un mental à toutes épreuves.
l’équipage entier de « Chez Pierrette et Gaston » est fier de dédier cette place de deuxième monocoque en temps compensé à notre nouveau Totem qui est de « naviguer en bleu pour l’autisme », et espérons vous avoir apporté un peu de rêve en faisant flotter les spis dans votre propre course encore plus longue et plus méritante que fût la notre.
A bientôt pour de nouvelles aventures
L’équipage de « Chez Pierrette et Gaston »
Mathieu Chevassut